Face aux attentes du consommateur, et aux législations qui se font de plus en plus pressantes, les marques de l’alimentaire travaillent d’arrache-pied au développement d’emballages ayant un moindre impact sur l’environnement, via une démarche d’éco-conception. Mais nous devons nous méfier des démarches opportunistes de certaines entreprises, qui tendent plutôt vers du greenwashing qu’une réelle préoccupation de l’écologie. Comment démêler le vrai du faux ? Nous allons vous aider à décrypter tout cela !
L’éco-conception intéresse de plus en plus les consommateurs. En effet d’après une étude Shopper réalisée par Action Plus pour Citeo, la recyclabilité apparaît comme le 1er critère d’un emballage respectueux de l’environnement, et cela pour 63% des personnes interrogées. De plus, 65% d’entre eux affirment choisir de préférence des produits avec moins d’emballage.
Cette étude a été réalisée auprès de 2700 consommateurs interrogés de façon spontanée en rayon de supermarchés, en situation d’achat puis au cours d’entretiens plus poussés.
Ainsi, bien que ne maîtrisant pas encore parfaitement les allégations et le langage technique propre au packaging, le consommateur est de plus en plus sensible à l’environnement, et manifeste une réelle attente envers les marques qu’il consomme.
L’éco-conception
Éco–concevoir, c’est prendre en compte les contraintes environnementales dans la création et le développement d’un produit, dans le but de réduire les impacts environnementaux à tous les stades du cycle de vie de l’emballage (production, transport, utilisation, recyclage, etc). Il s’agit de trouver le meilleur équilibre entre les exigences environnementales, sociales, techniques et économiques.
Pour cela, plusieurs mesures sont envisageables :
Première solution : supprimer le suremballage. Déjà en 2010, Danone supprimait le cavalier carton de ses regroupements de yaourts, et toutes les marques et MDD ont pris le pas. Plus récemment, Heineken, a choisi de supprimer le plastique de ses packs, en regroupant ses canettes avec une petite pièce de carton, économisant ainsi 500 tonnes de plastique par an !
http://golem13.fr/heineken-veut-lancer-des-packs-de-biere-sans-plastique/
Autre solution : réduire le poids de l’emballage. En réduisant l’épaisseur de l’acier de ses boîtes de conserve, Bonduelle est parvenu à économiser 1500 tonnes de métal en 3 ans.
Remplacer les matériaux ou faciliter leur séparation pour rendre l’emballage recyclable ou moins polluant est une solution également explorée par les industriels.
C’est ainsi que Herta a remplacé les types de plastiques constituant sa barquette de jambon pour la rendre monomatériau et recyclable.
Carte d’Or (Unilever) a, de son côté, développé un bac de glace en carton issu de forêt FSC, recyclable, et réduisant son poids de 23%.
Chaque détail peut faire la différence : réduire la quantité d’encre imprimée, veiller à la qualité des encres utilisées, ou réduire les colles et adhésifs sont aussi à l’étude.
https://www.emballagesmagazine.com/alimentaire/un-bac-en-carton-pour-carte-d-or.53071
Il existe une multitude d’autres solutions pour l’éco-conception, comme envisager une seconde vie à l’emballage (la Salad Jar de Fleury Michon devient après consommation un photophore ou un pot à crayons), ou plus largement, repenser le mode de distribution du produit à travers le vrac ou la recharge. On pense par exemple à la marque développée par Danone, Faire Bien, qui propose du yaourt en vrac dans les enseignes bio.
Lorsque l’éco-conception se heurte à la perception du consommateur
Ces chantiers nécessitent des investissements de temps et d’argent considérables, et malheureusement, ils restent souvent invisibles aux yeux du consommateur, qui fait appel en premier lieu à ses sens (vue, toucher), pour reconnaître si un emballage est respectueux de l’environnement.
Ainsi, d’après l’étude Shopper réalisée par Action Plus pour Citeo, le verre et le papier/carton sont les matériaux cités comme 3ème et 4ème critère d’un emballage respectueux de l’environnement. A contrario, 55% des consommateurs citent le plastique quand ils jugent qu’un emballage ne respecte pas l’environnement.
Malgré cela, 66 % des consommateurs sont prêts à payer plus pour consommer responsable. Parmi eux, 58 % sont influencés par l’engagement des entreprises dans la protection de l’environnement. (“être durable ou ne pas être.”- Nielsen – Octobre 2015)
L’enjeu pour l’industriel est avant tout de vendre ses produits. Face à cette équation quasi insoluble, il va avoir tendance à prendre des mesures jugées « faciles », qui seront dénoncées comme étant du greenwashing.
Le greenwashing : le tra-vert de l’éco-conception, dans la communication…
Cette expression (traduite en français par éco-blanchiment) désigne le fait de communiquer en utilisant l’argument écologique pour donner une image écoresponsable éloignée de la réalité (Citeo, guide de la communication responsable 2019).
Le terme n’est pas nouveau, puisqu’il est apparu à la fin des années 80 dans un article rédigé par le botaniste anglais David Bellamy pour la revue Sanity de 1987.
(D’ailleurs on en parlait déjà dans les années 60 sous le nom d’écopornographie !)
Les exemples de greenwashing sont nombreux dans la communication et le packaging. On peut donner l’exemple de McDonald’s, qui teint son logo en vert en 2009 pour contrer les critiques que la marque subissait concernant son manque de sensibilité à l’écologie et la santé. Bien qu’accompagné d’une démarche RSE visant à éco concevoir ses emballages, et réduire ou revaloriser ses déchets, l’enseigne est encore loin d’être cohérente avec sa nouvelle identité, puisqu’on estime aujourd’hui que l’enseigne est responsable de la production de 115 tonnes de déchets par jour, rien qu’en France !
https://www.zerowastefrance.org/tri-dechets-zero-waste-france-plainte-mcdonalds-kfc/
Outre l’identité graphique, le greenwashing passe aussi par le choix des allégations pour décrire son produit. Herta, par exemple, utilise avec maladresse en 2007 le terme général et ambigu “100 % naturel” pour son jambon. Cette qualification ne signifie pas que le jambon est issu de l’agriculture biologique, mais signifie seulement que le jambon n’est pas 100% artificiel. Heureusement, depuis la dénonciation massive de cette communication malhabile, la marque du groupe Nestlé a revu sa copie avec la rectification de ses recettes, appellations, mais aussi ses emballages (voir plus haut).
https://www.vitagora.com/blog/2019/emballages-ecoconception-agroalimentaire/
…Et aussi dans la conception packaging
Les marques cherchent à séduire et convaincre des consommateurs qui ne passent que quelques secondes en rayon pour choisir leur produit.
De la même manière que pour l’identité graphique, le choix des matériaux ou de la forme de l’emballage doit donc permettre une perception immédiate du caractère « écoconçu » du produit. Tiraillées entre d’une part les contraintes industrielles et hygiéniques, et d’autre part le contexte actuel de « Plastic Bashing », les marques vont avoir tendance à recourir à des solutions intermédiaires inadéquates, comme privilégier le papier, quitte à créer un complexe impossible à recycler, plutôt qu’un emballage monomatériau et recyclable en plastique.
Monoprix Bio a par exemple, choisi de développer un emballage en kraft pour son sésame bio, afin d’appuyer son identité soucieuse de l’environnement auprès du consommateur. Seulement face aux contraintes de conservation, et surtout face aux contradictions du consommateur qui souhaite aussi voir le produit (« See-Through Food Packaging Boosts Sales » Wall Street Journal, 13 août 2013), la marque a opté pour un doypack en plastique, permettant d’avoir une fenêtre de transparence, recouvert d’une couche de papier kraft. Le complexe multi matériaux ainsi créé ne peut être recyclé.
De la même manière, on retrouve de nombreux packaging en plastique qui vont avoir recours à des « impressions kraft », ou des vernis mats pour donner l’illusion du papier.
Source : Too Good Source : Giovanni Rana
On voit émerger chaque jour de nouvelles innovations pour réduire l’impact environnemental des emballages, et il est parfois difficile de faire la différence entre les innovations dont l’efficacité est avérée, et celles qui surfent sur une tendance, ou bien qui ne sont pas viables au-delà de l’état de concept.
L’initiative Loop par exemple, qui a beaucoup fait parler d’elle en ce début d’année, est sujette à questionnement. Terracycle propose en effet de remettre la consigne au goût du jour en s’associant à des grandes marques de l’alimentaires comme Lesieur, Milka ou Tropicana. Via une plateforme e-commerce, les produits emballés dans des contenants durables et rechargeables sont livrés au consommateur, puis récupérés pour être remplis et livrés à nouveau.
Cherchant à valoriser la qualité et la durabilité, la démarche fait cependant polémique, car elle implique le transport répété d’emballages lourds (souvent en verre ou en métal) et vides. Le PDG de Terracycle, Tom Szaky, assure néanmoins que « selon l’analyse de cycle de vie réalisée (…) c’est au bout du cinquième cycle de réutilisation que l’impact environnemental commence à être moins important qu’un produit traditionnel et au bout du 25e qu’il permet une réduction de 50 % de cette empreinte ». Un projet à suivre.
Trouver le juste emballage
Tout est donc affaire de compromis pour créer un emballage qui séduise le consommateur tout en limitant son impact sur l’environnement, et l’investissement sur les lignes de production. Les groupes doivent pousser les curseurs avec parcimonie, ou alors frapper fort pour marquer les esprits et changer les modes de consommation.
C’est l’exemple du groupe Nestlé, qui projette d’atteindre 100% d’emballages recyclables d’ici 2025, grâce à la création du Nestlé Institute of Packaging Sciences.
Avec Nesquik All Natural (sorti début 2019), le groupe est parvenu après 9 mois de développement à concevoir un emballage à 97% en papier.
(https://www.emballagesmagazine.com/alimentaire/nesquik-passe-au-sachet-en-papier.49234)
Ici cependant, le curseur a peut-être été poussé trop loin, au détriment d’autres critères de choix pour un emballage, comme sa praticité, sa solidité ou la durée de conservation de son produit.
C’est le revers de la médaille pour Nesquik, puisqu’en remplaçant sa boîte jaune iconique par un emballage papier pour sa gamme All Natural, la marque risque de perdre ses consommateurs historiques. De surcroît, le nouveau flowpack papier n’est pas refermable, ne tient pas debout, et réduit la durée de conservation du produit.
Le développement durable : compromis ou opportunité créatrice ?
Et si finalement le développement durable était en fait une affaire d’opportunités ? Des contraintes environnementales peuvent aussi devenir le cadre d’une réflexion créative permettant de penser “out of the box”, et de remettre en question nos acquis sur l’emballage. Pour développer des emballages durables, pratiques, rationnels pour l’industriel, vendeurs et créant un lien émotionnel avec le consommateur, éco-conception et design doivent aller de pair.
Au-delà de supprimer paille et couvercle plastique sur les gobelets de boissons chaudes, la marque Unocup propose un gobelet en carton qui ne perd en rien sa praticité, puisqu’il est refermable par un système de pliage et possède un bec pour boire. Sa forme déployable en une seule pièce, issue d’une recherche à la fois technique et créative, permet un gain économique, de fabrication, de transport et de stockage.
https://thedieline.com/blog?c=Sustainable+Design&categories.title=Sustainable+Design
La stratégie des petits pas
D’après le Programme des Nations unies pour l’environnement, 20 milliards de tonnes de déchets déversés dans les océans chaque année. Pour avancer efficacement et raisonnablement dans la conception et la commercialisation de nos emballages, la seule solution semble être la stratégie des petits pas.
La collaboration entre les acteurs de l’emballage (les départements marketing et R&D des marques, les agences de design, les industriels du recyclage mais aussi les gouvernements) est indispensable pour challenger les possibles, et parler vrai au consommateur.
D’autre part, l’éducation du consommateur est nécessaire pour faire coïncider sa perception d’un emballage responsable avec la réalité.
Cette démarche de communication, d’éveil des marques et de cohérence entre les acteurs de l’industrie et du marketing ne peut se faire sans les agences de design, garants de l’identité et des valeurs de ces marques qui sont chères à nos cœurs, et qui cherchent sans cesse à s’adapter à l’évolution de notre société.
Courage, réflexion et détermination : nous avons du pain sur la planche !
Par Marine Perez – Structural Designer – TEAM CREATIF
Pour davantage de tendances packaging, découvrez notre article sur le salon GulFood 2020, ici.